Intention octobre 2017
une douceur en résistance
Découvrir l’écriture de Robert Walser et le lire a pris pour moi la forme d’une sorte de précepte de vie. C’est une aide pour vivre, pour séjourner parmi les hommes pour celles et ceux qui seraient fatigués de se battre dans la compétitivité généralisée. Son écriture donne la joie et la force pour pouvoir jouer avec la bêtise du jeu social, du monde de l’art et de la bureaucratie. Elle nous propose, à part la colère ou le cynisme habituel d’aujourd’hui, d’autres manières de réagir et de vivre. Avec une ironie libératrice d’un côté, nous pouvons à nouveau rencontrer «bureaucrates et autorités hautement autorisées», avec une sincérité et une douceur bouleversante de l’autre, nous pouvons peut-être à nouveau oser parler ouvertement aux gens que nous aimons et considérer l’abîme qui nous habite. Il nous propose presque une stratégie de vie pour sauver un rapport au réel dans un monde qui ne cesse de le doubler et de l’éloigner de nous.
Se promener, à pied, doucement et tranquillement, devient une manière de survivre. Le théâtre sera, avec l’ironie comme alliée, le lieu de cette douceur en résistance.
J’espère que le plateau pourra être l’expérience de ce précepte pour une autre vie. J’y cherche un théâtre politique qui n’est ni critique, ni réflexion ou représentation de problématiques sociétales actuelles, mais veut proposer au spectateur une expérience dont il peut déduire que nos rapports, notre manière d’être et les choses en général pourraient être tout autrement. C’est un théâtre politique qui veut travailler à l’utopie.
Malte Schwind
octobre 2017
Intention octobre 2018
la jouissance du convalescent
Robert Walser, comme Walter Benjamin l’indique, nous apprend de jouir de nous-même. Mais cette jouissance est loin de celle proposée par le capitalisme actuel, par sa positivité. La jouissance des figures de Walser est la jouissance d’un convalescent, c’est-à-dire quelqu’un qui a traversé la maladie, qui a connaissance de la mort et de la souffrance – tout ce que la promesse du bonheur capitaliste tente de chasser, d’évacuer de la vie. Le bonheur du convalescent consiste à se promener et à se réjouir de la vie, ses abîmes inclus. Car après une maladie, au moment de la guérison, nous sommes souvent heureux d’avoir été malade car nous avons été renouvelés par là. Nous pouvons à nouveau dire : La vie est belle, car nous regardons cette vie telle qu’elle est, sans idéologie ou morale, mais dans sa splendeur manifeste.
Walser écrit comme il se promène, c’est-à-dire sans intention, sans but, mais avec les mots qui lui viennent à l’esprit comme les êtres, les choses et les paysages viennent par hasard à sa rencontre. C’est une sorte de rêverie, un long chemin de pensées et d’imaginations. Comme il se laisse aller par le chemin de l’encre de sa plume, les comédiennes se laisseront mener par les mots, leurs images et leurs pensées. Elles s’y promèneront. Et comme Walser se réjouit dans ses jeux de langue, elles se réjouiront de leurs jeux. Entre larmes et rire, une pirouette suffira pour continuer leur promenade. Le spectateur sera invité à se promener avec nous, en douceur. Là non plus, il n’y a pas d’intention ou de projet sur lui, mais la proposition de regarder la vie avec des yeux guéris.
Les trois comédiennes permettent une mise en expérience du texte qui n’est lié à aucune identité. Il n’appartient à personne. Pas plus aux comédiennes qu’à qui que ce soit d’autre. C’est presque par hasard que ce sont elles qui parlent. Vous pourriez y être aussi. Promenons-nous. Tout le monde peut faire l’expérience que nous propose Walser.
Malte Schwind
Octobre 2018
Critique de Yannick Butel.
Texte d’après Robert Walser
Date de création: 14 et 15 février 2019 au Collectif 12, Mantes-la-Jolie
Avec le soutien du Théâtre A. Vitez, du 3bisF, du Collectif 12, de MixartMyrys, de la Ville de Marseille et de la DRAC-PACA.
Accueil en résidence à la Gare Franche, à la Déviation et à la Fonderie.
Mise en scène : Malte Schwind
avec Anaïs Aouat, Naïs Desiles et Lauren Lenoir
Assistance et dramaturgie: Mathilde Soulheban
Son : Jules Bourret
Lumière : Iris Julienne
Costumes: Sara Bartesaghi-Gallo